Catalogue illustré. Préfacé par Philippe Roberts-Jones, Pierre Baudson, Michel Olyff et Michel Van Lierde
L’oeuvre de Pierre Lamby (1932-2012) doit être appréhendée au travers de trois éléments qui
l’ont influencée. Le moment où la création s’est située dans le temps ; l’esprit humaniste de
l’artiste; son métier d’architecte.
L’exposition présentée à la Galerie Jean-Philippe Braam campe des travaux datés de la
deuxième moitié des années ’50 jusqu’en 1964, moment où Lamby cesse de peindre.
Ami des voyages durant sa jeunesse, ce Liégeois formé notamment par Daxhelet, parcourt la
France. C’est l’époque de l’efflorescence de la peinture abstraite et de la « Jeune Peinture de
Tradition Française ». Elle est connue dans ses variantes « froide », soutenue par le critique
Léon Degand, ou « chaude » promue par Charles Estienne. Leurs épigones sont Herbin, Pillet,
Dewasne et, de l’autre côté, à la suite de Bazaine et Manessier, Mathieu, Wols ou Hartung,
pour ne citer qu’eux.
C’est la guerre des Ecoles, d’autant plus que le « Réalisme Social » cher aux Pignon, Buffet
ou Lorjou continue à réunir les suffrages.
C’est exactement alors que Pierre Lamby peint. Il n’est pas un abstrait pur dans le sens du
rejet total de la réalité. Il est un peintre au parcours évolutivement « non-figuratif », d’après la
définition qu’en donnait Bernard Dorival le Conservateur du Musée National d’Art Moderne
de Paris : « un artiste sensible aux spectacles que lui offre le monde extérieur ; attentif à ses
apparences, qu’il interroge dans ses dessins ou aquarelles (…) mais pour mieux s’en dégager
dans les tableaux achevés où plus rien (ou si peu) ne rappelle cette réalité extérieure ».
Les titres conférés aux tableaux sont ainsi « nu », « fleuve », « cavalier », « maternité », « tête
écrasée » ou « bourg ». Il est à remarquer que le traitement expressionniste vigoureux de
l’objet dilue celui-ci dans une matière picturale riche, volontiers matiériste et
chromatiquement sourde.
C’est en 1956 que Pierre Lamby se lie d’amitié avec le plasticien René Guiette, lequel vient
de découvrir l’oeuvre d’art brut de Tapiès
Au milieu des années 50, l’humaniste Lamby fait une rencontre décisive. Il découvre le
village en ruines de Peyresq en Haute-Provence. Il est fasciné par le site, comme par Nicolas-
Claude Fabri de Peiresq, seigneur local au XVIIème siècle, lettré à l’âme généreuse envers les
plus modestes. Le thème de la souffrance humaine le touche profondément. Ainsi en va-t-il du
désastre minier de Marcinelle qui donnera son titre à une oeuvre.
Le jeune architecte se dévouera longtemps corps et âme à reconstruire le village de Peyresq.
L’homme a toujours cherché à comprendre les cheminements et les tâtonnements de l’esprit.
Lamby est à la recherche du vrai. Peut-être est-ce « ce vrai » qui affleure au coeur des pierres ?
Nombre d’oeuvres évoquent des blocs minéraux, chemins, vestiges de maisons mangées par la
végétation. Un « personnage » apparaît : il sera l’expression d’une mélancolie prégnante ; il
évoquera un au-delà de la terre, il traduira une vision lointaine initiée dans un corps en repli.
Au fil du temps, les compositions révèlent un trait de plus en plus affirmé et spontané,
contrebalancé par un émiettement progressif des sujets. Les noirs, le pourpre, le gris et le brun
dominent.
Le critique d’art Stéphane Rey parla de Pierre Lamby en 1963 comme d’« un garçon doué,
raffiné ».
Les contingences professionnelles, particulièrement sa contribution auprès du Bureau Bastin
pour le projet de Musée d’Art Moderne de Bruxelles, furent un frein fatal à la poursuite de
son parcours d’artiste peintre.
Son oeuvre très mal connue jusqu’ici fut conçue dans le silence et le retrait.
Il est bien temps de la faire partager au plus grand nombre !
Michel Van Lierde. Novembre 2012