Ariane BOSQUET "Cicatrices"

Jeudi, 22 Septembre, 2016 - Samedi, 1 Octobre, 2016
Jeudi, 22 Septembre, 2016 - 18:30 - 21:30

 

L'artiste sera présente au vernissage et les samedis après-midi.

 

La plasticienne ARIANE BOSQUET (1959), débute une vraie histoire d'amour avec l’Afrique, le Sénégal et surtout le Mali en 2006. Elle parcourt le pays dogon et remarque par dizaines des portes en bois, en fer, rouillées, blessées des stigmates inexorables de l’usure du temps sur les êtres et les choses. C'est là un des thèmes au centre de son œuvre.

Poursuivant au Mali sa recherche sur les matériaux récupérés, Ariane Bosquet a entrepris une démarche nouvelle au départ, cette fois, d'un fruit bien particulier, découvert là-bas. C'est le fruit d' un arbre tropical à vocation ornementale et d’ombrage, de grande taille, développant multitude de grappes de fleurs rouges, qui porte le nom de « flamboyant ». Ce fruit a retenu l'attention de l'artiste. Il est constitué de gousses allongées, atteignant parfois quelque 60 cm en longueur sur 5 de large.

Cette découverte en 2014 coïncide pour elle avec un stage réalisé à Bamako en atelier de teinture de tissus, dénommés «bazins».Le bazin est un tissu africain traditionnel en coton damassé brillant utilisé pour confectionner les boubous en Afrique de l'Ouest,et plus particulièrement au Mali. Le mot "bazin" vient de l'italien où "bambagia" désigne la ouate de coton, le mot ayant été francisé en "bon basin". Le bazin coloré est teinté à la main suivant des techniques ancestrales, dont celle des «réserves» (procédure à base de couture et de nœuds) ainsi que celle de la «bougie» (empreinte négative/positive et cire fondue).

Animée de sa curiosité instinctive, Ariane Bosquet y côtoya les artisans locaux rompus aux techniques  de traitement des teintures artisanales : elle les explora en détail. Forte de son bagage artistique cet échange lui permit de faire évoluer sa propre création vers des compositions matiéristes aux formes inédites; elles sont aux confins des traditions européenne et africaine.

Dans sa matérialité, l'oeuvre nouvelle se décline sous différentes facettes. La première concerne les tissus. Ariane Bosquet fit fabriquer des tampons en bois par un menuisier local. Ils sont la réplique du fruit du «flamboyant». Elle travailla sur place l’impression à la bougie à l'aide desdits tampons et cette expérience donna le jour à des «pagnes flamboyants», esquisses d’un travail qu'elle développera sur d'autres supports. Ensuite, et en dehors de tout tissu, ce sont des «assemblages sculpturaux» auxquels elle donnera le jour. Une magicienne surréaliste aura greffé en quelque sorte les fruits -désséchés- dans des constructions revisitées. Ils en constituent le squelette... «flamboyant».

De retour à Bruxelles, l'artiste donna une suite à ce travail, réalisant, toujours au tampon, des empreintes du fruit du «flamboyant», incluant cette fois de morceaux du fruit lui-même, et ce sur papier, toile, soie, chiffons et  métal. Une alchimie où les tampons se trouvent imbibés de jus divers, tels café, encre et brou de noix. Un nouveau palier créatif fut atteint lorsque Ariane Bosquet procéda cette fois à l' «incrustation» du fruit dans le métal, procédant en quelque sorte à sa fossilisation.

Vue en perspective, et au fil du temps, l'oeuvre révèle une parenté avec l'Arte Povera en ce qui fut sa dimension contestataire de la société de consommation. Une démarche animée de l'intention «durable», et hautement symboliste, de dépasser l'identité initiale de l'objet passé, éphémère ( ou «mort») pour le magnifier au travers d' une renaissance dont elle détiendrait le secret. Un défi à l'industrie culturelle contemporaine, à la suprématie d'un certain «marché de l’art» dévoyé dans ses dérives capitalistes.

D'«insignifiants», les objets deviennent «signifiants». C'est le volet anthroplogique ou sociologique  de l'oeuvre. En filigranes, dans une dramaturgie silencieuse, l'artiste nous parle du drame humain de l’émigration maritime ? Que dire du contraste implacable in terminis que porte en lui le mot «flamboyant», ce fruit si proche dans sa forme de la modeste pirogue ? Le bleu-vert grisé de certaines tôles déchiquetées, vestiges d'un naufrage ? Naufrage sans doute d'illusions nées dans une société en détresse.

« Heureux ceux qui cultivent des rêves. Mais, les rêves exigent des sacrifices et peu de rêveurs survivent.» (Thorey Haden : Prof. Psychologie  Univ. Minessota).

Michel Van Lierde Juillet 2016